Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/44

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Cette circonstance l’avait sauvée ; cependant elle resta longtemps évanouie, et elle s’éveilla vers cette heure où les amoureux satisfaits quittent leurs maîtresses et vont se reposer de leur bonheur ; un d’eux chantait une chanson sur sa jolie bien-aimée, et sur les mauvaises langues qui troublent les plus paisibles amitiés ; il dormait à moitié et ne fit pas attention à Bella. L’endroit où elle se trouvait lui était inconnu : elle se leva avec peine, et les premières lueurs du jour lui permirent de voir Simson étendu mort à ses pieds ; elle le reconnut et se rappela tout successivement : au bout de la tresse qu’elle détacha du chien, elle trouva un être de forme humaine semblable à une ébauche animée, mais que n’a pas encore vivifiée la pensée ; quelque chose comme une larve de papillon. C’était la mandragore, et, chose étonnante, Bella avait entièrement oublié le prince, l’unique cause qui l’avait poussée à chercher la mandragore, tandis qu’elle aimait le petit homme avec une tendresse qu’elle n’avait encore ressentie que la nuit où elle avait vu Charles pour la première fois.

Une mère qui croit avoir perdu son enfant dans un tremblement de terre ne le revoit pas avec plus de joie et de tendresse que Bella, lorsqu’elle porta la