Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/49

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berceau, elle le découvrit en tremblant, et vit le millet qui germait déjà sur la tête du petit homme-racine, les baies de genièvre s’animaient aussi ; c’était, dans le petit être, un mouvement semblable à ce qui se produit dans la campagne au printemps, lorsqu’après les pluies paraissent les premières lueurs de soleil ; rien ne pousse encore, mais la terre s’agite en tous sens ; et de même que les rayons du soleil font tout sortir, tout germer, de même, par un baiser, Bella réveilla les forces de cette mystérieuse nature. Comme elle était extrêmement fatiguée, elle se coucha, mais tout près du berceau sur lequel elle étendit une main, dans la crainte qu’on ne lui dérobât son trésor.

Que dirons-nous de l’attachement extraordinaire qu’elle manifestait pour cette ébauche humaine, elle qui avait éprouvé le même amour pour le beau prince ; c’était chez elle ce sentiment sacré qui nous attache à tout ce que nous créons, et qui nous rappelle cette parole de l’Écriture : « Dieu a tant aimé le monde, qu’il a envoyé son Fils unique pour le sauver. Ô monde, fais-toi donc encore plus beau pour te rendre digne d’une telle grâce ! »

Bella avait entièrement oublié qu’elle n’était allée chercher le petit homme merveilleux que pour en tirer le moyen d’approcher du prince aimé d’elle ;