Page:Acker - Le Beau jardin, 1912.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
42
LE BEAU JARDIN

Une nuit pourtant, un cheval s’arrête devant la brasserie ; on entend un bruit de sabre, des coups répétés, on ouvre la porte, et on voit un officier supérieur de cavalerie. « Je suis Keck, dit le visiteur ; je veux embrasser mes enfants. » On lui amène les trois petites filles qu’éblouit la vue du colosse étincelant sous son uniforme de colonel. Il les embrasse convulsivement, remonte à cheval, et quelques mois après, il tombe dans la campagne de Russie[1]. Ainsi volontaires de 1782, grognards de Napoléon, ils écrivaient avec leur sang l’épopée. Parfois un loustic raillait leur dialecte et leur accent : « Laissez-les parler leur charabia, disait Napoléon, qui les avait en particulière estime, ils chargent toujours en Français. » Ils chargèrent encore en Algérie, en Crimée, en Italie, au Mexique, ils chargeaient à Frœschwiller, à Rezonville, à Sedan. En 1870 l’armée française comptait quatre-vingt mille Alsaciens, enrôlés surtout

  1. Généraux d’Alsace et de Lorraine, par André Girodie et Victor Huen. Édit. Bahy, Mulhouse.