Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/120

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chaud, qui alla jusqu’à l’accuser de commettre une mauvaise action, voulut me conduire à Orphée aux Enfers, avec M. de Girardin. Ils me firent dîner « au cabaret », comme disait ma grande amie, et, après avoir beaucoup bavardé tous trois, j’arrivai fort gaiement aux Bouffes, prête à rire de ce dont tout Paris riait.

Mais, dès les premières scènes, un insurmontable dégoût me prit de ces insanités. Quoi ! mes dieux étaient livrés aux calembours imbéciles, caricaturés jusqu’au grotesque le plus bas et le plus vil. On les ridiculisait de façon à ce que ce ridicule devînt une obsession pour les esprits affinés eux-mêmes. C’était là ce qu’un croyant en Jéhovah faisait de nos légendes homériques, et on ne lui avait pas rendu, sur l’heure, blague pour blague, sur ses légendes judaïques ?

Je disais tout cela avec révolte, j’évoquais nos traditions françaises, m’inscrivant violente contre ce qui me semblait un acte de lèse-patrie.

Je murmurai un à un les noms de tous les poètes fils d’Orphée, tandis qu’autour de moi s’épandaient les ricanements stupides et que s’étalait la laideur verbeuse des histrions.

« A Rome, disais-je, les ennemis de la Grèce eux-mêmes répétaient aux voyageurs : « Vous allez à Athènes, respectez les dieux. »

Mon émotion était si douloureuse qu’elle figea le rire sur les lèvres de Mme d’Agoult et de M. de Girardin.

« Vous savez, dit ce dernier à Mme d’Agoult,