Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/237

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Hans de Bulow, qui était un compositeur de talent, ne produisait plus rien depuis qu’il vivait à l’ombre de Wagner, et Listz lui-même, l’auteur des Rapsodies et de vingt autres belles compositions, s’immobilisait. Il faisait jouer et rejouer du Wagner à Weimar. Ses seuls écarts préservateurs du « mancenillier » étaient de donner du Berlioz, et rien au monde ne l’eût empêché de le placer au même rang que Wagner.

« Le génie précurseur de Berlioz, disait Listz, compense d’autres qualités plus puissantes de Wagner. »

Quand je vis Listz à Budapest, quelque vingtaine d’années après, je lui parlai de Wagner. Il me répondit avec amertume :

« De Bulow et moi, nous avons été ses premiers admirateurs et ses premiers esclaves. Ni mon gendre ni moi, nous n’aurions pu détacher à notre profit, de son cortège d’admirateurs, même nos plus dévoués, sans menaces de rupture. Il fallait tout lui livrer, hélas ! même son bonheur ; de Bulow l’a fait héroïquement.

« Berlioz a restauré l’École française au profit de toutes les Écoles ; Wagner, ajoutait Listz, a continué l’Ecole allemande, dont aucune tradition n’était perdue. Berlioz a précédé Wagner et a délivré la musique d’entraves qui n’ont plus gêné Wagner. Berlioz est parfois obscur, parce que l’obscurité était grande autour de son chemin, tandis que Wagner est entré dans