Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/27

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Lorsque, de retour à Soissons, j’allais chez la tante Vatrin avec ma fille et sa bonne, je traversais une petite rue dans laquelle se trouvait la Recette des Finances, dont le titulaire était M. Ratisbonne, très lié avec le sous-préfet, M. Papillon de la Ferté, fils de l’auteur d’un ouvrage sur la Vie des Peintres qui fut guillotiné en 1794. Le sous-préfet de Soissons disait volontiers qu’il fallait « faire la fête », qu’on ne savait jamais ce qui pouvait arriver, à preuve le malheureux sort réservé à son grand-père.

Ces messieurs m’intimidaient fort par leur empressement à se précipiter aux fenêtres lorsque je passais, et par l’affectation de leurs saluts. On ne flirtait pas à cette époque en province, et il eût suffi d’un sourire de moi à ces deux enragés célibataires, déjà un peu mûris d’ailleurs, pour me voir gravement calomnier.

Je connus, à cette époque, deux de mes meilleurs et plus fidèles amis : M. de Marcère, très jeune substitut et futur ministre, et le lieutenant Guioth, plus tard le général Guioth, commandant le 12e corps d’armée. Ce dernier devint l’aide de camp du duc d’Aumale après la guerre de 1870 et fut nommé officier de la Légion d’honneur, sous Metz, pour action d’éclat. D’origine lorraine, n’ayant pas cessé de soupçonner Bazaine de trahison, il put éclairer son chef, le duc d’Aumale, au moment du dramatique procès. C’est Guioth qui en rédigea tous les rapports, on imagine avec quelle douleur !