Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/403

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les Charton en break, et le docteur Maure dans son éternel petit coupé bien fermé. Il fait la moue lorsqu’il apprend qu’on déjeune dehors, dit qu’on aura froid, qu’il vaudrait mieux déjeuner à la villa et ensuite visiter la Napoule. On ne l’écoute pas. Jean Reynaud fait mettre pour lui dans notre char à bancs un fauteuil de jardin fermé de trois côtés, une chaufferette avec de l’eau bien bouillante, une couverture de fourrure, et nous voilà partis. Le temps est splendide.

L’amusement est d’installer le vieux docteur, qui confesse qu’on le soigne. On le tourne en sens contraire de la mer, vis-à-vis de nous tous qui lui faisons face. La chaufferette est encore très chaude, la couverture de fourrure « excessive, mais agréable », dit-il, et le déjeuner se dévore au pied de l’admirable Estérel, avec la vue de Cannes, des îles, des Alpes neigeuses, de l’infini de la mer azurée.

« Et votre Grasse, docteur, dit Alice, qui a l’air de s’être assise sur la montagne pour vous regarder. »

On applaudit au gentil mot de ma fille. Le docteur fait sa moue et répond à Alice :

« Grasse me sait gré, vois-tu, de tourner le dos à Cannes. »

Après le déjeuner, on laisse le docteur retourner à Grasse, « car, dit Jean Reynaud, je n’aurais jamais osé le conduire où je vous mène : chez un rebouteur-sorcier. »