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instincts étaient libéraux », il endormait les consciences et au besoin corrompait les âmes.

Après la mort de Béranger, j’assistai un soir à une séance de l’Union des poètes dans laquelle Émile Richebourg devait faire l’apologie du grand chansonnier. Malgré la rudesse de Béranger envers moi, je le regrettai, m’étant dit que plus tard, si j’avais à demander un conseil sincère, c’est lui que j’irais trouver.

Richebourg, très ému, parla de la bonhomie de Béranger en termes si touchants qu’il grava à tout jamais ses traits dans nos cœurs ; mais ce fut bien autre chose lorsqu’il nous dévoila son invraisemblable bonté. Elle tenait du miracle par la multiplication de ses bienfaits comparée à ses maigres ressources. Il se privait, même de manger, pour donner, et Richebourg nous inspira pour le doux vieillard une affection dont le souvenir ne s’est pas effacé en moi.

Les séances de l’Union des poètes ne se ressemblaient guère. Une autre, la dernière à laquelle j’assistai, à la fin de l’année, fut très curieuse. On y discuta longuement sur deux volumes de vers qui passionnaient pour des raisons bien contraires : Les Fleurs du Mal et Denise.

Denise, d’Aurélien Scholl, si goguenard dans ses articles et dans ses livres, et qui avait fait une œuvre naïve, lui qui prétendait ne