Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/149

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vres pour vos grandes tragédies, et 2,000 livres pour vos opéras-ballets ; voyez si vous voulez gagner 2,000 livres d’ici à huit jours ?

— Mais, mon Dieu, s’écrie Quinault, qui s’était singulièrement radouci, comment voulez-vous être prêt dans un si court espace de temps ? En supposant que je le fusse, le serez-vous, vos acteurs sauront-ils leurs rôles ? Mais à quel propos cet opéra, pourquoi ce titre niais et banal ?

— Ce titre niais et banal, c’est la veuve Scarron qui me l’a fourni : ainsi, il y aurait probablement peu de prudence à lui donner ces épithètes hors d’ici. Le motif qui me fait entreprendre cet ouvrage est la colère où le roi est contre moi, je ne sais pas trop pourquoi, par exemple, et le désir de rentrer dans ses bonnes grâces.

— Comment ! quelle colère du roi ? que voulez-vous dire ? J’allai hier à Versailles lui présenter mes quatre premiers actes d’Armide, que suivant son usage, il veut examiner avant que je les envoie à la petite Académie, et il m’a encore parlé de vous avec une bonté infinie.

— Ouais, dit Lully, la veuve Scarron se serait-elle jouée de moi ! c’est que je pourrais bien la laisser là avec son opéra… Ah ! oui ; mais Lalande et le petit Marais, qui ne demandent pas mieux que de se produire… Non… non ! il faut absolument faire cet ouvrage, mon cher ami, tout cela importe peu : ma parole est donnée, je suis engagé d’honneur ; ainsi, je compte tout à fait sur vous.