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— Non ; vous la voyez au milieu du vallon, près de cette bastide blanche, sous les oliviers.

— Eh bien ! si tu veux me laisser cueillir moi-même dans ton champ un bouquet d’anémones bleues, je te donnerai vingt sous.

— Venez, dit l’enfant, qui abandonna son linge.

Au milieu d’un blé de chétive apparence, des centaines d’anémones bleues fleurissaient. J’étendis le regard sur toute cette richesse, puis, jetant loin de moi mon chapeau et mon parasol, je me précipitai sous les oliviers.

La fillette me dit d’une voix caressante :

— Madame l’étrangère, toutes ces fleurs sont à vous, mais prenez garde de faire du mal à notre blé.

— Sois tranquille, ma mignonne ; quoique j’habite la ville, je sais que sur cette herbe pousse le pain.

— Alors, je retourne au ruisseau ?

— Tu le peux ; j’irai tout à l’heure te montrer ma moisson.

L’enfant s’en alla tandis que j’arrachais autour de moi toutes les anémones écloses. Lorsque mes deux mains furent emplies, me sentant un peu lasse, je m’appuyai contre un arbre. Pas un souffle d’air n’agitait les feuilles des oliviers. Mes yeux, tantôt interrogeaient cette nature inconnue, et tantôt se reportaient sur les anémones bleues que j’avais dans les mains. Les fleurs semblaient répondre et parler des grâces d’une terre que je refusais d’aimer !

Je revins lentement près de la petite Provençale. L’enfant sourit en voyant mon énorme bouquet.

— Te sens-tu heureuse, ma mignonne, d’habiter un pays où il y a de si belles fleurs ? lui demandai-je.

— Je ne suis pas assez riche pour aimer les fleurs, repartit la fillette.

— Les fleurs des champs ne coûtent rien.

— Elles se vendent, madame.

— Tu es donc marchande ?

— Oui, je cours dans les bois, je monte sur les rochers, et je rapporte des fleurs que les étrangères me payent généreusement.

Il me vint l’idée de suivre cette petite dans une de ses courses, et je la priai de se laisser accompagner par moi. Je me dis qu’avec un semblable guide je ne serais pas forcée de tomber en extase devant des beautés de convention.

— Veux-tu, demandai-je à l’enfant, m’emmener un jour avec toi ? Nous cueillerons des fleurs ensemble, et tu me feras connaître le pays.

— Tous les matins, répondit-elle, je vais chercher des anémones au « Grand-Pin. » On voit de là les petites Alpes et l’Estérel. Mais c’est bien haut, et vous ne pourrez pas y monter.

— Quand je serai fatiguée, mignonne, nous nous reposerons.