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L’HEURE DU BERGER

blant de dormir, les paupières closes, le souffle égal, en serrant, sans qu’on le voie, les fleurs mortes de Jacques sur son cœur, les fleurs mortes, sa seule lettre d’amour.

À pas légers pour ne pas qu’elle ait peur, le marquis dont la passion veille, va rejoindre son clavier. Et comme tout à l’heure, Ninette demeure seule, gardée par les sveltes chrysanthèmes, entourée d’aube et de paix. Le crépuscule tombe. La nuit s’annonce fraîche et splendide. A travers la fenêtre, les derniers nuages du couchant rosissent et semblent des pivoines claires, égarées là. Une gondole passe et le rameur chante. La voix s’éteint, si jeune, si chaude ! Contarinetta pour tout de bon repose et ses rêves l’illuminent à souhait. Remarquez-vous son sourire et le geste puéril avec lequel elle frôle ses cheveux ? Elle lui parle, et le passé n’existe plus pour l’attrister. Ils se sont aimés sans répit et leurs baisers ressemblaient à ces chapelets qu’on égrène d’une caresse. —