Page:Agnel, Émile - Curiosités judiciaires et historiques du moyen âge - Procès contre les animaux.djvu/45

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de Dieu, qu’elles ne l’avaient fait en dérobant leur farine. — Item, qu’elles étaient en possession des lieux avant que les demandeurs ne s’y établissent, et par conséquent qu’elles ne devaient pas en être expulsées, et qu’elles appelleraient de la violence qu’on leur ferait devant le trône du divin Créateur, qui a fait les petits comme les grands et qui a assigné à chaque espèce son ange gardien. — Et enfin qu’elles concluaient que les demandeurs défendissent leur maison et leur farine par les moyens humains, qu’elles ne leur contestaient pas : mais que malgré cela elles continueraient leur manière de vivre, puisque la terre et tout ce qu’elle contient est au Seigneur et non pas aux demandeurs : Domini est terra et plenitudo ejus[1].

« Cette réponse fut suivie de répliques et de contre-répliques, de telle sorte que le procureur des demandeurs se vit contraint d’admettre que le débat étant ramené au simple for des créatures, et faisant abstraction de toutes raisons supérieures par esprit d’humilité, les fourmis n’étaient pas dépourvues de tout droit. C’est pourquoi le juge, vu le dossier de l’instruction, après avoir médité d’un cœur sincère ce qu’exigeait la justice et l’équité selon la raison, rendit un jugement par lequel les frères furent obligés de fixer dans leurs environs un champ convenable pour que les fourmis y demeurassent, et que celles-ci eussent à changer d’habitation et à s’y rendre de suite, sous peine d’excommunication majeure, vu que les deux parties pouvaient être conciliées sans aucun préjudice pour l’une ni pour

  1. Psolm. xxiii, 1.