Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
229
DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

hâte le pas en répétant avec humeur ! « Elle est accordée, elle est accordée. » Mais l’annonce d’une telle concession, faite sans élan, reçue sans enthousiasme, n’était plus qu’un signe de détresse inutile. Louis-Philippe, en voyant les physionomies mornes de ses défenseurs, acheva de se décourager, et rentra au château, laissant au maréchal Bugeaud le soin de passer en revue le reste des troupes.

Le maréchal était dévoré de colère. Investi d’une autorité dérisoire, il voyait tous ses plans de défense écoutés, il est vrai, mais discutés loin de lui et rejetés par des influences occultes ; il n’apercevait autour de lui que des visages abattus ; il n’entendait que des paroles défiantes et pusillanimes. M. Barrot n’avait pas un seul instant admis le système de la lutte à outrance. M. Thiers, après avoir longtemps soutenu le maréchal, s’était laissé vaincre par les répugnances de ses amis ; enfin, et ceci achevait de rendre la position du maréchal insoutenable, les fils du roi, ces jeunes princes dont on aurait dû avoir à contenir l’élan, restaient là, indécis, paralysant tout de leur présence inerte, accueillant et propageant toujours les premiers les nouvelles fâcheuses et les avis timides[1].

Rentré dans son cabinet, après la revue, Louis-Philippe s’était laissé tomber dans un fauteuil adossé au mur, près de la fenêtre. Sa tête, appesantie, reposait sur sa main ; il gardait le silence ; les amis et les serviteurs, que l’attente d’un péril imminent retenait là, dans une anxiété inexprimable, échangeaient à demi-voix des paroles incohérentes.

Et l’heure fuyait. Déjà midi allait sonner, quand M. Crémieux entra dans le salon qui précédait le cabinet du roi. M. le duc de Montpensier, qui s’y tenait, entouré des princes

  1. La contenance du duc de Montpensier surtout parut singulière à ce point qu’on essaya de l’expliquer en attribuant au jeune prince une part secrète dans la prétendue conspiration de madame la duchesse d’Orléans. Il n’en était rien cependant ; il n’y avait là ni conspiration ni trahison ; il y avait tout simplement un caractère et un esprit peu préparés aux fortes épreuves.