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HISTOIRE

de Wurtemberg et de Cobourg, de députés, de pairs de France, de généraux et d’une foule d’officiers de service, s’avança vers lui et le questionna vivement sur ce qui se passait au dehors.

« Rien n’est encore perdu, dit M. Crémieux. Je viens de parcourir une partie de Paris. La garde nationale peut être ramenée. M. Barrot, président du conseil, les hommes de la gauche ministres avec lui, M. Thiers et le maréchal Bugeaud écartés, les plus larges concessions faites sans délai peuvent apaiser l’insurrection ; mais il n’y a pas à balancer une seule minute. » Pendant qu’il parlait ainsi, le duc de Montpensier ouvrait la porte du cabinet et nommait au roi M. Crémieux.

« Que venez-vous m’apprendre ? » dit Louis-Philippe en relevant la tête.

M. Crémieux répéta ce qu’il venait de dire.

Alors M. Thiers, qui se tenait un peu à l’écart, s’approcha du roi et déposa entre ses mains sa démission. Sans faire d’observation, sans exprimer ni regret, ni satisfaction, ni crainte, Louis-Philippe demanda M. Fain, son secrétaire, pour rédiger l’ordonnance qui nommait M. Barrot président du conseil, M. Crémieux conseilla au roi de faire appeler le maréchal Gérard et de lui confier le commandement des troupes,

Un moment d’illusion suivit cette étrange démarche de M. Crémieux. Le roi et son entourage se persuadèrent qu’un député de l’opposition la plus avancée devait connaître parfaitement l’état des esprits et l’effet certain des mesures qu’il conseillait. Mais, à cette heure, personne ne pouvait plus apprécier l’ensemble du mouvement populaire. Il agissait sur une si vaste étendue que son caractère général échappait à l’observation. Ici, l’esprit de la garde nationale dominait et se contentait encore d’un ministère Barrot ; ailleurs, il était, déjà question de forcer le roi à abdiquer ; sur d’autres points enfin, les républicains jetaient le masque et parlaient de chasser la dynastie.