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INTRODUCTION.

royal régicide, élevé par la philosophie enthousiaste du dix-neuvième siècle au sein d’une génération passionnée, soldat d’une république, Louis-Philippe ne devait-il pas sentir couler avec son sang dans ses veines les espérances et les angoisses de son temps et de son peuple ? Quel scrupule pouvait le détourner d’une réforme sociale qui ne rencontrait dans sa pensée aucune croyance, aucune tradition, aucun préjugé contraires ?

Poser les seuls fondements solides d’une égalité véritable en mettant en pratique le système d’éducation nationale dont la Convention avait tracé le plan ; améliorer, relever l’existence des classes laborieuses, leur faire une part plus large dans les bienfaits d’une civilisation à laquelle elles apportent un concours si actif ; les initier peu à peu à la vie politique ; multiplier, resserrer les liens de la France avec les nations étrangères ; prévenir, par une insensible transformation économique, la violence soudaine des révolutions politiques ; intéresser à cette noble entreprise l’orgueil des classes supérieures ; y convier les hommes d’État ; associer enfin, au lieu d’opposer l’une à l’autre, les forces vives de la nation, que l’on eût ainsi arrachées aux ennuis d’une paix prolongée et consolées du prestige perdu de la gloire militaire : certes, c’était là une tâche assez haute et faite pour tenter une ambition vraiment royale. Louis-Philippe ne semble pas l’avoir entrevue[1]. Il s’en est donné une autre inférieure, in-

  1. Le règne de Louis-Philippe ne vit pas même importer en France et accommoder à nos mœurs d’excellentes institutions en pleine vigueur chez d’autres peuples : la justice gratuite pour les pauvres établie en