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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

d’hommes que leur position mettait au-dessus du besoin[1], d’aventuriers, de vagabonds qui, sous des professions et avec des domiciles d’emprunt, venaient demander le subside de l’oisiveté et se faisaient les agents des divers partis politiques, dont ils tiraient un supplément de salaire. Et le travail, qui aurait discipliné et moralisé cette masse incohérente, n’arrivait pas. Chaque jour M. Émile Thomas se rendait au ministère pour demander qu’on fit hâte ; chaque jour il recevait cette invariable réponse que les ingénieurs n’avaient rien apporté encore. Enfin, le 5 mars, M. Marie, indigné de cette lenteur, convoque une réunion des ingénieurs. Après leur avoir exposé le péril pressant, il les somme de fournir sur-le-champ des travaux sérieux ; les ingénieurs ne répondent que par un profond silence. Alors, M. Trémisot, chef du service des eaux et du pavé de Paris, leur reproche avec force leur inertie volontaire ou involontaire dans un moment où il y va du salut de tous ; il propose une série de travaux immédiatement réalisables. M. Émile Thomas appuie les plans de M. Trémisot ; il les complète par d’autres propositions[2]. En congédiant les ingénieurs, M. Marie leur recommande de faire à l’avenir preuve de plus de zèle, car le nombre des ouvriers croissant à chaque heure, leur mécontentement, leur irrita-

    sous les yeux, dit M. Marie, dans son rapport à l’Assemblée nationale, sur les ateliers nationaux (Moniteur, 8 mai 1858), le secret de bien des misères, dont je ne soupçonnais pas, dont vous ne soupçonnez pas l’existence. »

  1. On y voit, dit un rapport de police, en date du 7 avril 1848, des marchands de vin, des logeurs et même des propriétaires. (Rapport de la commission d’enquête, v. II, p. 178.)

    « Il arrive, dit M. de Falloux, dans son rapport à l’Assemblée nationale (28 mai 1848), que des individus exerçant un état lucratif dans le sein de Paris, vont néanmoins au jour et à l’heure de la solde toucher un salaire aux ateliers nationaux. »

  2. M. Émile Thomas, dans une note adressée le 4 août 1848 au ministre des travaux publics, avoue que ces travaux, parfaitement inutiles, dont le résultat est un capital mort, n’ont occupé que 14,000 ouvriers par jour. (Rapport de la commission d’enquête, v. II. p. 157.)