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MAURIN DES MAURES

d’une petite place libre de peau roussie, d’un rouge brun de terre cuite.

Un souffle d’air froid, sentant la résine des pins et la bonne terre mouillée, s’engouffra avec Maurin dans la vaste salle haute, fumeuse et noire, de la vieille auberge des Campaux.

Cette auberge est bâtie presque à mi-chemin entre Hyères et la Molle, au bord de la route qui suit dans toute sa longueur la sinueuse coupée du massif montagneux des Maures, en Provence, dans le Var.

— Tu es toi, Maurin ? fit l’aubergiste. Ferme la porte vivement. Tu nous gèles du coup, collègue ! On dirait que tu amènes avec toi tout l’humide et tout le froid de la montagne.

— Mais en même temps, fit Maurin narquois et immobile, toute la bonne odeur du bois, collègues ! Vous êtes dans une fumée à couper vraiment au couteau ! Par l’effet de vos pipes, comme aussi de la cheminée où vous brûlez un chêne-liège entier auquel on aura laissé son écorce, vous êtes dans un nuage qui m’empêchait de vous voir. Ça n’est pas sain, camarades ! Respirez-moi un peu cette « montagnère ».

— La porte ! ferme la porte ! crièrent tous les buveurs sur des tons divers, mais où dominait une manière de déférence.

— La porte, Maurin, on te dit ! Il fait un vrai temps à bécasses !

Il y avait, parmi les buveurs, paysans et bûcherons, deux gendarmes et aussi un garde-forêts reconnaissable à son uniforme vert.

Ce garde forestier se tourna à demi et d’une voix de commandement :