Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/329

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
311
MAURIN DES MAURES

huit ans et qu’il en avait seize. Nous fûmes alors mousses sur le même bateau de pêche. Il bedonnait déjà, le porc ! Nous nous roulions ensemble, à moitié nus, sur les plages de Cavalaire et du Lavandou. Depuis, il a fait fortune dans les mers lointaines, au diable ; on dit qu’il a été roi chez les nègres ; il s’est enrichi, je crois, dans les dents d’éléphants et dans les peaux humaines… Vous pouvez compter que je le verrai et que je lui dirai ce qu’il faut ! Caboufigue député ! Ah ! non, je ne verrai pas ça ! j’en ferais une maladie, misère de moi !

Il ajouta avec un accent d’ironie impayable :

— Qu’on le décore, passe ! mais député, représentant du peuple ! ah ! non, pas ça ! et j’en fais mon affaire !

Le lendemain matin, Maurin emprunta l’embarcation d’un de ses amis, pêcheur au Lavandou, pour se rendre à Porquerolles, l’une des îles d’Hyères. Il emportait son fusil et il avait Hercule avec lui.

Le vent était favorable. Il hissa la voile et se mit à la barre. L’embarcation, inclinée, la quille presque hors de l’eau, filait comme une mouette.

Jamais les chevaux des gendarmes ne pourraient suivre Maurin par ce chemin-là !

Maurin allait rendre visite à son vieux collègue Caboufigue.

Caboufigue était, comme Maurin, un enfant de Saint-Tropez. Mais Caboufigue, neveu d’un oncle propriétaire de chênes-lièges, ayant hérité, vers l’âge de vingt ans, d’une honnête aisance, s’était lancé dans les affaires. Il s’était fait armateur. Il n’avait qu’une instruction sommaire, mais il se trouva qu’il avait le génie du négoce et de la finance. Il avait entrepris plus d’un voyage