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MAURIN DES MAURES

ramiers y roucoulent. Le cabreïret, la nuit, y parle seul et fait croire aux passants de la route lointaine que le chevrier nocturne rappelle ses chèvres mauresques… Elle sont toutes blanches, les chèvres des Maures, très petites, avec de grandes cornes en forme de lyre.

Et il y a aussi, autour de ces lierres, des guêpes bourdonnantes qui y attachent leur nid et qui descendent boire au torrent.

Et toute cette vie frémissante des êtres, dans ces vastes lierres si larges, si hauts, attachés depuis des siècles au monastère antique, bénit obscurément le Dieu qui, non content de leur donner l’asile des feuillages, a fait bâtir pour eux ces murailles, ces cours, ces toitures, ces cellules et ces chapelles, c’est-à-dire des abris heureux contre le vent, et où se réjouissent aussi la tarente et le lézard qui, dans les endroits chauffés par le soleil, ouvrent, entre les joints de la bâtisse chaude, leurs doux yeux gris qui donnent un regard aux pierres.

Et le couvent est magnifique ainsi, au beau milieu des Maures, tout au bord de la forêt de vieux châtaigniers, si vieux et si gros que chaque tronc peut abriter deux hommes, parce que le temps et les tonnerres les ont presque tous creusés, évidés, en ont fait, dit Pastouré, autant de guérites ; ils sont noirs au dedans, argentés au dehors, et dans la saison des feuilles, la forêt ruisselle de leurs grandes musiques mouillées.

Maurin passa sous l’arc noir de la grande porte, et, suivi des deux gendarmes, entra dans la première cour, où chante une fontaine et où sont aujourd’hui des demeures de paysans. Dans cette ancienne cour d’honneur, les poules maintenant picorent et les fumiers répandent leurs vapeurs tièdes et malodorantes.