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MAURIN DES MAURES

les lèvres comme s’il eût répété mot à mot tout ce que disait Maurin, lequel continua ainsi :

— Que faut-il faire ? demanda Pitalugue. C’est bon, la lièvre. Et puis, il y a de quoi faire un gros repas à nous six. Ça compte, ça, dans une maison pauvre comme est la nôtre !… Qu’allons-nous faire, Maurin ?

Je lui dis :

— Je ne sais pas ; la lièvre est tienne. C’est des choses qui ne regardent que ceux qui y ont leur intérêt. Mais si j’étais « de toi », je la lâcherais.

— Ce sont ses petits qui me tourmentent, dit Pitalugue. J’ai tous ces petits levrautons dans ma tête.

— Ils vont pleurer à fendre le cœur, dit sa femme.

— Et crever sans être utiles à personne, dit Pitalugue.

Alors, la petite dernière se mit à sangloter :

— Je veux pas qu’on la tue, père ! Père, il ne faut pas la tuer.

— Allons, dit la femme, ne contrarie pas la petite… c’est quinze francs de jetés par la fenêtre… lâche-la tout de même.

Avec beaucoup de précautions pour ne pas lui casser les pattes, ils la délièrent.

Et quand elle fut déliée, Pitalugue et sa femme et tous en eurent comme un remords. Ils ne voulaient plus la lâcher :

— C’est dommage ! un si beau morceau, et si bon ! une lièvre de vingt francs, pour le moins !… Remets-lui vite la ficelle aux pattes, Pitalugue.

Mais la petite fille cria :

— Laisse-la aller à sa maison, père !… ses petits appellent et puis, d’abord, moi, je la veux voir courir !…