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MAURIN DES MAURES

monsieur le préfet, jeter sur Maurin des Maures un regard digne de lui ? Écoutez ce fait. Il y a quelque sept ou huit ans, il se trouva rayé des listes électorales. Il réclama vainement sa réinscription au maire de Z…, devenu on ne sait pourquoi son ennemi personnel. Le maire fit la sourde oreille. Il entendait traiter notre Maurin en vagabond, en errant, quantité négligeable, individualité douteuse. Maurin insista longtemps mais toujours vainement. Il pouvait s’adresser au juge de paix, mais il croit qu’il vaut mieux, comme dit le proverbe, avoir affaire à Dieu ou à saint Pierre en personne qu’à de tout petits saints. Que pensez-vous qu’il fit ?

« — Ma mère, dit-il un matin tout en s’équipant comme pour la chasse, ma mère, si vous ne me revoyez pas d’un mois ou deux, ne soyez pas inquiète : je vais faire un petit voyage.

« — À pied ?

« — Oui.

« — Et où vas-tu ?

« — Je vais à Paris. »

« Il partit, son fusil au dos, son chien sur ses talons, tuant chaque jour de quoi payer l’auberge. Le vingt-cinquième jour il était à Paris où, par l’intermédiaire d’un député du Var, homme d’esprit, il demanda une audience au ministre de l’Intérieur. Le ministre, sur le portrait que le député lui fit de Maurin, le reçut dès le lendemain. J’ai entendu Maurin et j’ai aussi entendu le ministre conter l’entrevue. Les deux récits concordaient.

« Maurin, dans son costume de chemineau chasseur, à peine entré dans le cabinet du ministre qui le reçut debout, commença ainsi :