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MAURIN DES MAURES

« — Avec votre permission, monsieur le ministre, je prendrais bien une chaise — pourquoi je suis un peu fatigué étant venu à pied de Cogolin, comme mon chien pourrait vous le dire, mais je l’ai laissé à l’auberge — pourquoi il est encore plus fatigué que moi… »

« Le ministre se mit à rire et lui désigna un fauteuil. Maurin prit une chaise, puis exposa son affaire et conclut ainsi :

« — Je suis un citoyen, monsieur le ministre, et je tiens à le rester. J’ai fait mon service à la marine, j’ai fait mon devoir et je ne comprends qu’une chose : c’est qu’alors j’ai droit à mon droit. Ça m’a beaucoup dérangé, croyez-le, de venir vous voir à pied. C’est un peu loin, ça prend du temps, mais je suis venu. Seulement, d’autres sont dans le même cas qui ne viendront pas, rapport à la distance, et, du même coup, je vous les recommande. Dites à vos maires de suivre les lois, noum dé pas Dioù ! nous sommes en France, preutrêtre !  »

« Hélas ! toutes les fois qu’on vous contera une saillie de Maurin, ce qu’on ne pourra vous rendre, c’est l’accent, l’inimitable accent. L’accent de Maurin, c’est une musique qui ajoute un sens ; un commentaire à ses moindres paroles. La vie de Maurin est un opéra dont vous n’aurez jamais que le libretto.

« Le ministre, lui, entendit et les paroles et la musique. Il riait de bon cœur. Il serra la main de Maurin et le fit rapatrier avec des éloges.

« Au moment de le quitter, Maurin s’était écrié, en lui frappant sur l’épaule : « Eh bé, vous m’allez, vous ! »

« Voilà l’homme, il est à prendre ou à laisser.

— Voilà le citoyen, dit le préfet ; mais l’homme, celui qu’on appelle un don Juan de la forêt ?