Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143
LA FIÈVRE D’OR.

faire abandonner la vie absorbante du campesino.

Plusieurs fois, pendant les quelques jours qu’ils passèrent à chasser dans les magnifiques plaines qui environnaient l’hacienda, le hasard mit le capitaine à même d’admirer l’habileté avec laquelle le jeune homme maniait son cheval, et sa supériorité à tous les exercices qui exigent de la force, de la souplesse et surtout de l’adresse.

Une fois surtout, au moment où les chasseurs se lançaient à fond de train à la poursuite d’un magnifique dix cors qu’ils venaient de débusquer, ils se trouvèrent inopinément face à face avec un cougouar qui tout à coup se dressa devant eux, semblant vouloir leur faire tête.

Le cougouar est le lion américain ; il n’a pas de crinière ; de même que tous les autres carnassiers du Nouveau-Monde, il se soucie peu d’attaquer l’homme, et ce n’est que réduit à la dernière extrémité qu’il se retourne contre lui ; mais alors, il combat avec un courage et une énergie qui rendent son approche souvent fort dangereuse.

Dans la circonstance dont nous parlons, le couguar semblait résolu à attendre ses ennemis de pied ferme. Le capitaine, peu habitué à se trouver face à face avec de tels ennemis, éprouva malgré lui ce tressaillement nerveux intérieur qui agite l’homme le plus brave lorsqu’il se trouve en butte à un danger sérieux ; cependant, comme le vieux soldat était d’une bravoure reconnue, il se remit vite de cette émotion involontaire et arma son fusil en regardant le monstre qui, accroupi et replié sur lui-même, fixait sur lui ses yeux ardents.

— Ne tirez pas, capitaine, dit don Sébastian