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LA FIÈVRE D’OR.

Cette opération fut conduite avec un machiavélisme si grand, le secret fut si bien gardé, que le comte, malgré ses relations étendues, ne se douta de rien et s’embarqua pour la Sonora le cœur plein d’espoir et d’illusions.

Valentin attendait son ami avec la plus vive impatience ; le chasseur s’était consciencieusement acquitté des commissions que le comte lui avait données ; tout en apparence avait réussi à ses souhaits ; un logement confortable était préparé pour la compagnie ; l’agent français avait été tout miel et s’était mis de la façon la plus galante et la plus charmante à la fois à la disposition du chasseur pour tout ce qu’il pourrait désirer. Cependant celui-ci n’était pas satisfait. Sans raison plausible, sans que rien vînt en apparence démentir ces témoignages de bonne fraternité, Valentin, par un de ces pressentiments que Dieu envoie à ceux qu’il aime ou qu’il veut sauvegarder, sentait que toute cette aménité cachait un piége ; les lèvres souriaient, il est vrai, mais les sourcils restaient froncés et les fronts ridés.

Le général Guerrero, tout en témoignant de la joie de voir arriver la compagnie, et en se mettant aux ordres du chasseur, s’était sous différents prétextes obstiné à demeurer à Hermosillo, au lieu de venir recevoir, ainsi qu’il l’aurait dû, la compagnie à Guaymas, d’abord en qualité de gouverneur de sa province, ensuite comme membre de la société, deux raisons plus que suffisantes pour motiver son dérangement.

Valentin était donc fort inquiet, et cela d’autant plus que tout en sentant qu’un orage se formait, il ne pouvait prévoir d’où il viendrait ; aussi demeu-