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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

après les autres dans les sombres profondeurs du ciel : et à l’extrême ligne bleue de l’horizon, un reflet d’un rouge vif, précurseur du lever du soleil, annonçait que le jour ne tarderait pas à paraître. Les milliers d’oiseaux invisibles, frileusement blottis sous la feuillée, s’éveillaient subitement et entonnaient joyeusement leur mélodieux concert matinal, tandis que les hurlements des fauves, quittant l’abreuvoir et regagnant à pas lents leurs repaires inexplorés, devenaient de plus en plus sourds et indistincts.

En ce moment, la brise se leva, s’engouffra dans l’épais nuage de vapeurs qui, au lever du soleil, s’exhale de terre dans ces régions intertropicales, le fit tournoyer un instant, le déchira et le dissipa dans l’espace, faisant, comme par un coup de théâtre, apparaître, sans transition, le plus délicieux paysage que puisse imaginer l’âme rêveuse d’un peintre ou d’un poëte.

C’est surtout en Amérique que la Providence semble s’être plu à prodiguer les effets de paysage les plus saisissants, en variant à l’infini les contrastes et les harmonies de cette puissante nature que l’on ne trouve que là.

Au sein d’une immense plaine cerclée de tous les côtés par les hautes ramures d’une forêt vierge se dessinaient les capricieux méandres d’un chemin sablé dont la couleur jaune d’or tranchait agréablement avec le vert foncé des grandes herbes et le blanc argenté de l’eau d’une étroite rivière que les premiers rayons du soleil levant faisaient étinceler comme un écrin de pierreries. Non loin de la rivière, au centre de la plaine à peu près, s’élevait une mai-