Page:Aimard - Les Rôdeurs de frontières, 1910.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
LES RODEURS DE FRONTIÈRES

de Vaureal, il entra à l’hacienda del Mezquite en qualité de tigrero ou de tueur de tigres.

Bien que le pays choisi par le chasseur pour s’y établir fût situé sur les confins de la frontière mexicaine, et que, par cette raison, il fût à peu près désert, cependant, pendant quelque temps, parmi les vaqueros et les peones, les suppositions allèrent leur train sur les raisons qui avaient pu obliger un aussi adroit et aussi hardi chasseur que le Canadien à s’y retirer, mais toutes les démarches tentées par les curieux pour connaître ces raisons, toutes les questions qu’ils adressèrent restèrent sans résultat ; les compagnons du chasseur et lui-même demeurèrent muets ; quant à l’enfant, elle ne savait rien.

Alors, de guerre lasse, les curieux désappointés renoncèrent à trouver l’explication de cette énigme, se reposant sur le temps, ce grand éclaireur de mystères, pour apprendre enfin la vérité si soigneusement cachée.

Mais les semaines, les mois, les années s’écoulèrent sans que rien vînt soulever un coin du secret du chasseur.

Carmela était devenue une délicieuse jeune fille ; la venta s’était achalandée. Cette frontière, si tranquille jusqu’alors à cause de son éloignement des villes et des pueblos, se ressentit du mouvement que les idées révolutionnaires imprimèrent au centre du pays ; les voyageurs devinrent plus fréquents, et le chasseur, qui jusque-là avait semblé assez insoucieux de l’avenir, s’en reposant, pour sa sécurité, sur l’isolement de sa demeure, commença à devenir inquiet, non pas pour lui, mais pour Carmela qui se trouvait exposée, presque sans défense, aux tenta-