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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

Le moine ne put retenir un geste d’étonnement.

— Ah ! fit-il en lançant un regard perçant à son interlocuteur.

— Mon Dieu, oui ! continua légèrement le capitaine ; ces braves gens m’ont prié de les accompagner pendant quelques jours, de crainte des gavillas qui infestent les routes ; ils ont, il paraît, des marchandises assez précieuses avec eux, et ils ne se soucieraient pas d’être dépouillés.

— Je comprends ; ce ne serait nullement agréable pour eux.

— N’est-ce pas ? Je n’ai donc pas voulu leur refuser ce petit service qui ne m’occasionnait que peu de dérangement ; mais aussitôt qu’ils se jugeront en sûreté, je les abandonnerai pour m’enfoncer dans la prairie, suivant les instructions que j’ai reçues, car vous savez que les bravos (Indiens sauvages) se remuent.

— Non, je ne le savais pas.

— Eh bien ! alors, je vous l’apprends ; voilà une occasion magnifique qui s’offre à vous, padre Antonio, il ne faut pas la négliger.

— Une occasion magnifique qui s’offre à moi ! fit le moine avec étonnement, quelle occasion, honorable capitaine ?

— Celle de prêcher les infidèles et de leur enseigner les dogmes de notre sainte foi, dit-il avec un sang-froid imperturbable.

À cette proposition ex abrupto le moine fit une grimace épouvantable.

— Au diable l’occasion ! s’écria-t-il en faisant claque ses doigts ; à d’autres sots ! je ne me sens nullement de goût pour le martyre.