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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Jamais il ne m’a laissé seule autant de temps.

— Cependant, fit le métis en se grattant la tête d’un air embarrassé.

— Bref, interrompit-elle avec résolution, je suis inquiète de mon père et je veux le voir ; vous allez fermer la venta, seller les chevaux, et nous irons à l’hacienda del Mezquite ; il n’y a pas loin, dans quatre ou cinq heures nous serons de retour.

— C’est qu’il est bien tard.

— Raison de plus pour partir tout de suite.

— Mais, cependant…

— Pas d’observations, faites ce que je vous ordonne, je le veux.

Le métis courba la tête sans répondre, il savait que lorsque sa maîtresse parlait ainsi, il fallait obéir.

La jeune fille fit un pas en avant, posa sa main blanche et délicate sur l’épaule du métis, et approchant son charmant et frais visage du sien, elle ajouta avec un doux sourire qui fit tressaillir le pauvre diable de joie :

— Ne m’en veuillez pas de ce caprice, mon bon Lanzi, je souffre.

— Vous en vouloir, moi, Niña ! répondit le métis avec un haussement significatif des épaules ; eh ! ne savez-vous pas que je me mettrais dans le feu pour vous, à plus forte raison ferai-je tout ce qui vous passera par la tête.

Il s’occupa alors avec la plus grande célérité à barricader avec soin les portes et les fenêtres de la venta, puis il retourna au corral seller les chevaux, tandis que Carmela, en proie à une impatience nerveuse, quittait les vêtements qu’elle portait, et en