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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

que le métis entendait derrière lui l’inquiétait vivement, en lui prouvant que son projet n’avait pas aussi bien réussi qu’il l’espérait, et qu’un de ses ennemis, au moins, avait échappé et s’était lancé sur ses traces.

Le métis redoubla de vitesse, il fit faire à son cheval des retours et des crochets sans nombre, afin de dépister l’ennemi acharné à sa poursuite ; mais tout fut inutile, toujours il entendait derrière lui le galop obstiné de son persécuteur inconnu.

Quelque brave que soit un homme, si grande que soit l’énergie dont le ciel l’a doué, rien n’émousse son courage comme de se sentir, dans les ténèbres, menacé par un ennemi invisible et par cela même insaisissable : l’obscurité de la nuit, le silence qui plane sur le désert, les arbres qui, dans une course affolée, défilent à droite et à gauche comme une légion de fantômes sinistres et menaçants, tout se réunit pour augmenter les terreurs du malheureux qui fuit en proie à un vertige sans nom, sous le coup d’un cauchemar d’autant plus horrible qu’il a la conscience du péril, et qu’il ne sait comment le conjurer.

Lanzi, les sourcils froncés, les lèvres frémissantes le front inondé d’une sueur froide, courut ainsi pendant plusieurs heures à travers champs, penché sur le cou de son cheval, ne suivant aucune direction arrêtée, toujours poursuivi par le bruit sec et saccadé du galop du cheval lancé après lui.

Chose étrange, depuis que, pour la première fois ce galop s’était fait entendre, il ne semblait pas s’être rapproché sensiblement ; on aurait pu supposer que le cavalier inconnu, satisfait de suivre la piste de