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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

même il repartait, sans qu’il me fût possible de deviner par quel moyen il parvenait à déjouer les précautions que j’employais pour le retenir. Que vous dirai-je ? voilà un mois que cela dure ; il y a huit jours, il s’est encore échappé : depuis, je suis à sa recherche ; désespérant de parvenir à le retenir, la colère s’est emparée de moi, et je me suis mis à ses trousses en le suivant à la piste avec des limiers, résolu, cette fois, à en finir, coûte que coûte, avec ce maudit nègre qui me glisse continuellement entre les doigts comme une couleuvre.

— C’est-à-dire, observa le Canadien qui avait écouté avec intérêt le récit du marchand, que poussé à bout vous n’auriez pas hésité à le tuer.

— Ma foi non, d’autant plus que cet effronté coquin est tellement rusé ; il s’est si constamment moqué de moi que j’ai fini par le prendre en exécration.

— Écoutez à votre tour, master John Davis ; je ne suis pas riche, tant s’en faut ; qu’ai-je besoin d’or ou d’argent, moi homme du désert auquel Dieu dispense si généreusement la nourriture de chaque jour ? Ce Quoniam, si avide de liberté et de grand air, m’inspire malgré moi un vif intérêt ; je veux tâcher de lui donner cette liberté à laquelle il aspire avec une constance si grande. Voici ce que je vous propose : j’ai là dans ma pirogue trois peaux de jaguars et douze peaux de castors qui, vendues dans n’importe quelle ville de l’Union, vaudraient au moins cent cinquante à deux cents piastres ; prenez-les, et que tout soit fini.

Le marchand le regarda avec une surprise mêlée d’une certaine bienveillance.