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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Vous avez tort, dit-il enfin ; le marché que vous me proposez est trop avantageux pour moi et trop peu pour vous. Ce n’est pas ainsi que se font les affaires.

— Que vous importe ? je me suis mis dans la tête que cet homme serait libre.

— Vous ne connaissez pas la nature ingrate des nègres, reprit-il avec insistance ; celui-là ne vous sera nullement reconnaissant de ce que vous faites pour lui, au contraire, à la première occasion peut-être vous donnera-t-il lieu de vous repentir de votre bonne action.

— C’est possible, cela le regarde, je ne lui demande pas de reconnaissance ; s’il m’en témoigne, tant mieux pour lui, sinon, à la grâce de Dieu ! j’agis selon mon cœur, ma récompense est dans ma conscience.

— By god ! vous êtes un brave garçon, savez-vous ? s’écria le marchand incapable de se contenir plus longtemps. Il serait bon que l’on rencontrât plus souvent des hommes de votre trempe. Eh bien ! je veux vous prouver que je ne suis pas aussi méchant que vous seriez en droit de le supposer après ce qui s’est passé entre nous ; je vais vous signer l’acte de vente de Quoniam, et je n’accepterai en retour qu’une peau de tigre comme souvenir de notre rencontre, bien que, ajouta-t-il avec une grimace en montrant son bras, vous m’en ayez déjà donné un autre.

— Tope ! s’écria le Canadien joyeux, seulement vous prendrez deux peaux au lieu d’une, parce que j’ai l’intention de vous demander un couteau, une hache et le rifle qui vous reste, pour que le pauvre diable auquel nous rendons la liberté (car mainte-