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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

Les soldats prirent leur frugal repas et se couchèrent sur leurs zarapés afin de dormir.

Bientôt tous les individus composant la caravane furent plongés dans le sommeil ; seuls deux hommes veillaient. Ces deux hommes étaient le capitaine et le guide.

Probablement chacun d’eux était tourmenté de réflexions assez sérieuses pour chasser le sommeil et les tenir éveillés lorsque tout les invitait au repos.

À quelques pas de la clairière, de monstrueux iguanes étaient étendus au soleil, vautrés dans la vase grisâtre d’un ruisseau dont l’eau coulait doucement, avec un léger mumure, à travers les obstacles de toutes sortes qui entravaient son cours. Des myriades d’insectes remplissaient l’air du bourdonnement continu de leurs ailes ; les écureuils sautaient gaiement de branche en branche ; les oiseaux, cachés sous la feuillée, chantaient à plein gosier, et parfois, au-dessus des hautes herbes, on voyait apparaître la tête fine et les yeux effarés d’un daim ou d’un ashata qui, tout à coup s’élançait sous le couvert avec des bramements de frayeur.

Mais les deux hommes étaient l’un et l’autre trop préoccupés par leurs pensées pour remarquer ce qui se passait autour d’eux.

Le capitaine releva la tête ; en ce moment le guide fixait sur lui un regard d’une fixité étrange ; confus d’être ainsi surpris à l’improviste, il chercha à donner le change à l’officier, en lui adressant la parole, vieille tactique, dont celui-ci ne fut pas dupe.

— Voilà une chaude journée, seigneurie, dit-il d’un air nonchalant.