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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

car, sans savoir positivement ce qui s’était passé entre le chasseur et son ancien maître puisqu’il était trop loin pour entendre ce qui se disait, il comprit que, provisoirement du moins, il n’avait plus rien à redouter du dernier, et il attendit avec une fiévreuse impatience le retour de son généreux défenseur, afin d’apprendre ce qu’il avait désormais à craindre ou à espérer.

Dès qu’il atteignit le rivage, le Canadien poussa sa pirogue sur le sable et se dirigea d’un pas ferme et mesuré vers l’endroit où il supposait devoir trouver le nègre.

Il ne tarda pas à l’apercevoir assis et presque dans la même position que lorsqu’il l’avait quitté.

Le chasseur ne put retenir un sourire de satisfaction.

— Ah ! ah ! lui dit-il, mon ami Quoniam, vous voilà donc ?

— Oui maître. John Davis vous a dit mon nom ?

— Vous voyez ; mais que faites-vous là, pourquoi ne vous êtes-vous pas échappé pendant mon absence ?

— Quoniam n’est pas un lâche, dit-il, pour s’échapper, tandis qu’un autre risque pour lui sa vie. J’attendais, prêt à me livrer, si la sûreté du chasseur blanc était menacée[1].

Ceci fut dit avec une simplicité pleine de grandeur qui montrait que telle était en effet l’intention du noir.

  1. Il n’y a rien qui nous semble plus ridicule que ce jargon de convention qu’on prête aux nègres, jargon qui a d’abord le tort de ralentir le récit et qui de plus est faux, double raison qui nous engage à ne pas l’employer ici ; tant pis pour la couleur locale. G. A.