Page:Aimard - Les Rôdeurs de frontières, 1910.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
LES RODEURS DE FRONTIÈRES

temps qui lui aurait permis de prendre une avance considérable sur ceux qui s’acharnaient avec tant d’opiniâtreté à s’emparer de lui.

Il n’en avait cependant rien fait, soit que la pensée de sa fuite ne lui parût pas réalisable, soit qu’il se trouvât trop fatigué, soit enfin pour toute autre cause que nous ignorons ; il n’avait pas bougé de l’endroit où dans le premier moment il avait cherché un refuge ; il était demeuré les yeux obstinément fixés sur la plate-forme suivant d’un regard anxieux les divers mouvements des individus qui s’y trouvaient.

John Davis ne l’avait nullement flatté dans le portrait qu’il en avait fait au chasseur, Quoniam était réellement un des plus magnifiques spécimen de la race africaine ; âgé de vingt-deux ans au plus, il était grand, bien taillé, solidement bâti ; il avait les épaules larges, la poitrine développée, des membres, bien attachés ; il devait joindre une adresse et une légèreté peu communes à une force sans égale ; ses traits étaient fins, expressifs, sa physionomie respirait la franchise, son œil bien ouvert était intelligent, enfin, bien que sa peau fût du plus beau noir et que malheureusement, en Amérique, cette terre de liberté, cette couleur soit un stigmate indélébile de servitude, cet homme ne semblait pas avoir été créé pour l’esclavage, tellement tout en lui paraissait aspirer à la liberté et à ce libre arbitre que Dieu a donné à ses créatures et que les hommes ont vainement tenté de leur ravir.

Lorsque le Canadien remonta dans sa pirogue et que les Américains quittèrent la plate-forme, un sourire de satisfaction souleva la poitrine du nègre,