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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

cains, qui avaient réservé leur feu, coucha bon nombre d’ennemis sur le sol et porta le désordre dans les rangs des assaillants qui reculèrent malgré eux.

— En avant ! hurla le Jaguar.

Ses compagnons revinrent plus animés que jamais.

— Tenez bon ! il faut mourir ! dit le capitaine.

— Mourons ! répétèrent les soldats d’une seule voix.

Alors la lutte s’engagea corps à corps, pied contre pied, poitrine contre poitrine, assaillants et assaillis se mêlant, se poussant les uns les autres avec de sourds rauquements de colère, combattant plutôt comme des bêtes fauves que comme des hommes.

Les arrieros, décimés par les balles dirigées contre eux, n’en continuaient pas moins leur besogne avec ardeur : à peine le levier échappait-il à la main de l’un d’eux qui roulait expirant sur le sol, qu’un autre s’emparait aussitôt de la lourde barre de fer, et les caisses d’argent tombaient sans interruption dans le précipice, malgré les vociférations de rage et les efforts gigantesques des ennemis qui s’épuisaient vainement à renverser la muraille humaine que leur barrait le passage.

C’était un spectacle horriblement beau que celui de cette lutte archarnée, de ce combat implacable que se livraient ces hommes, à la lueur brillante d’une forêt brûlant tout entière comme un lugubre et sinistre phare.

Les cris avaient cessé, la boucherie se continuait sourde et terrible, parfois on entendait seulement la voix brève du capitaine qui répétait :