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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

furibonde des bisons. Cinq minutes lui avaient suffi pour comprendre l’imminence du danger qui menaçait le chasseur ; avec cette rapidité de décision qui caractérise les Peaux-Rouges dans les cas extrêmes, il avait résolu d’avertir son ami, de le sauver ou de périr avec lui ; alors il s’était élancé en avant, franchissant avec une rapidité vertigineuse l’espace qui le séparait du lieu du rendez-vous, n’ayant plus qu’une pensée, distancer la manada de façon à ce que le chasseur pût se sauver ; malheureusement, quelque rapide qu’eût été sa course, et les Indiens sont renommés pour leur fabuleuse agilité, il n’avait pu arriver assez à temps pour mettre en sûreté celui qu’il voulait sauver.

Lorsque le chef, après avoir averti le chasseur, eût reconnu l’inutilité de ses efforts, une réaction subite s’opéra en lui, ses traits animés par l’inquiétude reprirent leur rigidité habituelle, un sourire triste glissa sur ses lèvres dédaigneuses, il se laissa aller sur le sol en murmurant d’une voix sombre :

— Le Wacondah n’a pas voulu !

Mais Tranquille n’accepta pas la position avec cette résignation et ce fatalisme, le chasseur appartenait à cette race d’hommes énergiques, dont le caractère fortement trempé ne se laisse jamais abattre et qui luttent jusqu’au dernier souffle.

Lorsqu’il vit que le Peau-Rouge avec le fatalisme particulier à sa race abandonnait la partie, il résolut de faire un suprême effort et de tenter l’impossible.

À une vingtaine de pas en avant de l’endroit où le chasseur avait établi son campement, se trouvaient plusieurs chênes-saules renversés sur le sol, morts