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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

plaça sur son chemin au moment où il s’y attendait le moins.

En apercevant l’Indien, le capitaine arrêta son cheval.

— Mon père visite la vallée ? lui dit le Pawnée.

— Oui, répondit-il.

— Oh ! reprit l’Indien, en jetant un regard circulaire autour de lui, tout est bien changé, maintenant les bestiaux des Grands-Couteaux de l’Ouest paissent tranquilles sur les territoires dont ils ont dépossédé les Pawnées-Serpents.

L’Indien prononça ces paroles avec une voix triste et mélancolique qui donna à penser au capitaine et lui donna une certaine inquiétude.

— Est-ce un regret que vous exprimez, chef, lui demanda-t-il, il me semblerait assez hors de propos surtout dans votre bouche, puisque c’est vous-même qui m’avez vendu le territoire que j’occupe.

— C’est vrai, fit l’Indien avec hochement de tête ; Visage-de-Singe n’a pas le droit de se plaindre, c’est lui qui a vendu aux Faces-Pâles de l’Ouest le terrain où reposent ses pères et où lui-même et ses frères ont si souvent chassé l’elk et le jaguar.

— Hum ! chef, je vous trouve lugubre aujourd’hui, qu’avez-vous donc ? Étiez-vous en vous éveillant ce matin, couché sur le côté gauche, dit-il, en faisant allusion à une des superstitions les plus accréditées parmi les Indiens.

— Non, reprit-il, le sommeil de Visage-de-Singe a été exempt de mauvais pronostics, rien n’est venu altérer le calme de son esprit.

— Je vous en félicite, chef.