Page:Aimard - Les Trappeurs de l’Arkansas, 1858.djvu/462

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voyais rayonner sur les visages de cette heureuse famille, il y avait une longue suite d’infortunes.

Ce n’étaient pas, à ce que je croyais, des gens dont la vie s’était toujours écoulée calme et tranquille, je me figurais, je ne sais pour quelle raison, qu’après avoir été longtemps éprouvés, ils avaient enfin trouvé le port.

Leurs visages étaient empreints de cette majesté que donnent seules de grandes douleurs ; et les rides qui sillonnaient leurs fronts me paraissaient bien profondes pour ne pas avoir été creusées par le chagrin.

Cette idée s’était si bien ancrée dans ma cervelle que, malgré tous mes efforts pour la chasser, elle revenait sans cesse plus tenace et plus incisive.

En peu de jours j’étais devenu l’ami de la famille, rien de ce qui me regardait ne leur était plus étranger ; ils m’avaient admis à partager complètement leur intimité, j’avais incessamment une question sur les lèvres ; jamais je n’osais la formuler, tant je craignais de commettre une indiscrétion grave ou de raviver d’anciennes douleurs.

Un soir que don Rafaël et moi nous revenions de la chasse, à quelques pas de la maison il posa son bras sur le mien.

— Qu’avez-vous, don Gustavio, me dit-il, vous êtes sombre, préoccupé, vous ennuyez-vous donc avec nous ?

— Vous ne le croyez pas, répondis-je vivement,