Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/201

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homme ne devait plus revoir la France. Il mourut deux ans après son rappel dans son palais de la Calle de Alcala, à Madrid.

Le nouveau duc de la Torre fit alors un voyage en Espagne, ce pays qui était le sien, qu’il avait quitté tout enfant, mais dont il n’avait conservé aucun souvenir.

Le duc était grand d’Espagne de première classe, caballero cubierto, conseiller intime du roi, etc., etc. Quand il eut terminé ses affaires avec ses intendants, il se rendit à Madrid et se présenta au lever du roi.

Charles II avait alors sept ans : il reçut fort bien le duc, le traita de cousin et le tutoya ainsi que l’exigeait l’étiquette. En somme le duc fut très-satisfait de la réception.

Mais comme la duchesse était demeurée en France et qu’il avait hâte de la revoir et d’embrasser sa fille, le duc ne fit qu’un très-court séjour à la cour d’Espagne et revint à Paris dès que cela lui fut possible.

Cependant les années s’écoulaient ; le duc était fatigué de son inaction et se dépitait d’être tenu à l’écart à l’âge où il aurait pu le mieux servir son pays. Chaque fois qu’il avait été en Espagne, où il avait fait de nombreux voyages, il avait insisté auprès de ses amis et de ses parents pour qu’ils sollicitassent pour lui le ministre lui-même ; il s’était présenté aux plus puissants personnages de la monarchie. On lui avait fait de grandes promesses, mais c’était tout ; ce mauvais vouloir constant l’affligeait, le rendait triste, morose. Il ne comprenait rien à ce parti pris de ne pas accepter ses services et cela d’autant moins, qu’il ne se connaissait aucun ennemi à la cour d’Espagne.

On était en 1674.

Un soir le duc de la Torre assistait au jeu de Madame. Il y avait foule de gentilshommes des meilleurs maisons de France. On parlait beaucoup dans les groupes disséminés çà et là d’une nouvelle guerre contre l’Espagne. Quelques courtisans se prétendant mieux