Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/202

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informés que les autres, affirmaient que la guerre était résolue, et qu’une semaine ne se passerait pas sans qu’elle fût définitivement déclarée.

Le duc de la Torre, assez inquiet de ces bruits de guerre, causait à voix basse avec le comte de Guiche auprès duquel il essayait de se renseigner, lorsqu’on annonça le roi.

Toutes les conversations cessèrent à la fois et il se fit un silence profond.

Le roi entra calme et souriant.

Louis XIV était alors dans toute la force de l’âge et dans l’épanouissement complet de sa mâle beauté, car il n’y avait rien d’efféminé dans sa personne. Il avait à cette époque trente-six ans : sa taille était plutôt petite que grande, mais il était parfaitement fait et admirablement proportionné. Il portait la tête haute. Son visage était beau quoique légèrement marqué de la petite vérole. Son regard clair, droit, incisif, avait quelque chose de magnétique, qui faisait baisser tous les yeux devant lui ; sa physionomie était empreinte d’une indicible majesté ; ses geste étaient gracieux sans affectation, sa démarche d’une noblesse qui complétait l’ensemble attrayant de toute sa personne. Jamais souverain ne sut jouer avec une aussi incontestable supériorité, le rôle si difficile de roi. Louis XIV, pour nous servir d’une expression moderne qui rend bien notre pensée, avait élevé la pose à la hauteur d’un art. Il posait sans s’en apercevoir, toujours et continuellement ; poser était devenu pour lui une seconde nature ; il posa jusqu’à son dernier soupir.

Lorsque le roi entra dans le salon tous les regards se fixèrent ardemment sur lui. Mademoiselle de la Vallière s’était retirée la veille aux Carmélites. Les courtisans essayaient de surprendre sur le visage du maître l’impression que lui avait causée cette retraite depuis longtemps prévue, mais que personne ne soupçonnait si proche. La curiosité fut déçue. Rien dans les traits ni dans les manières du roi ne décelait sa pensée intime.