Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/27

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courba tristement la tête brisa son épée, et pour toujours il quitta la France en pleurant sur elle et sur ses destinées ; il revint à Saint-Christophe, où il s’enferma comme dans une imprenable citadelle, et que depuis, il n’a plus quitté ; voilà quel homme est le comte de Châteaugrand. Chaque victoire nouvelle de la fulgurante épopée impériale le faisait tressaillir comme un lion blessé ; cette utopie grandiose de la reconstruction du trône de Charlemagne l’effrayait ; dès 1809 il prévoyait 1814 ; ses prévisions se réalisèrent ; il en gémit amèrement, car derrière le titan foudroyé, il voyait le corps pantelant de la France, agonisante et se débattant dans les affres de la mort ; mais il demeura fidèle à son serment et à ses convictions : bien des offres lui furent faite, il les repoussa toutes. En apprenant la révolution de 1848, il sourit tristement : Où est l’enthousiasme de 92 ? dit-il ; un gouvernement ne s’impose pas, quelque soit le nom qu’il se donne ; on ne refait pas deux fois la même chose ; la chute alors est grotesque ou misérable. Depuis lors pas un mot n’est sorti de sa bouche, touchant les événements politiques ; il vit patriarcalement au milieu de sa famille ; mais ses yeux sont sans cesse tournés vers cette France pour laquelle il a prodigué son sang sur vingt champs de bataille, dont il s’est exilé volontairement et qu’il ne reverra jamais.

Le capitaine Dumont et moi, nous avions écouté