Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/36

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Sur le devant du tableau et semblant sortir de la toile tant il était vivant, se tenait un homme de trente-deux à trente-trois ans, vêtu d’une blouse de toile bise, tachée de graisse et de sang, de larges chausses descendant jusqu’aux genoux, laissant les jambes nues, et chaussé de brodequins en cuir fauve ; une ceinture en peau de crocodile serrait sa taille ; dans cette ceinture étaient passés à gauche, dans un large étui aussi en peau de crocodile, quatre longs couteaux, à droite un sac à balle et une corne de taureau.

Cet homme appuyait ses deux mains croisées sur l’extrémité du canon d’un long fusil, à garniture d’argent, dont la crosse reposait près de son pied gauche ; auprès de lui étaient couchés trois chiens courants au poil fauve moucheté de noir, au large poitrail et aux longues oreilles pendantes, et trois sangliers.

Les traits de cet homme, sauf la différence d’âge et la couleur d’un noir bleu de ses cheveux flottants et de la barbe qui couvrait sa poitrine, avaient une ressemblance frappante avec ceux du comte de Châteaugrand, même expression, fine, spirituelle et énergique à la fois, même éclair dans le regard ; un rayon de soleil se jouait sur le visage de cet homme où il jetait une ombre qui imprimait à sa physionomie un cachet d’inexprimable mélancolie.

C’était bien là, à n’en pas douter, le portrait saisi, pour ainsi dire, sur le fait d’un de ces