Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/160

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la plus affectueuse par tous les membres de la tribu.

Olivier resta trois semaines dans le village des Comanches, puis un matin il harnacha son cheval, et après avoir pris congé des chefs, qui le voyaient s’éloigner avec tristesse, malgré sa promesse de revenir bientôt, il partit et s’enfonça plus avant dans le désert.

Il allait donc vivre enfin seul, ainsi que depuis si longtemps il le désirait ; il éprouvait une joie mélancolique d’être ainsi séparé de la société des autres hommes.

N’ayant aucun plan arrêté d’avance, il allait ainsi devant lui, à l’aventure, sans but déterminé, chassant pour se nourrir et rassembler des fourrures précieuses que, plus tard, il échangeait aux comptoirs de traite contre du plomb, de la poudre ou du tabac.

Parfois des mois entiers s’écoulaient sans qu’un visage humain s’offrit à ses regards ; cette solitude complète, loin de lui peser, avait au contraire pour lui des charmes étranges et des jouissances inouïes.

La douleur était engourdie au fond de son cœur, le calme était rentré dans son esprit, la mélancolie avait remplacé la tristesse ; le souvenir doux et charmant de la femme qu’il avait tant aimée, et que toujours il aimait, lui tenait fidèle compagnie ; loin de raviver sa douleur, ce souvenir était pour lui d’une douceur incomparable ; il lui donnait pour ainsi dire un bonheur rétrospectif, quand il rappelait par la pensée les jours heureux qu’il avait passés près d’elle, sans qu’un nuage, une seule fois, eût terni cette félicité trop tôt écoulée,