Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/269

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à se mépriser lui-même pour sa lâche complaisance aux volontés de son père.

Lorsque M. Maraval, après un séjour de quinze jours à Madrid, prit congé de son ami Olivier pour retourner à Cadix et s’occuper enfin de ses propres affaires, que son amitié lui avait fait si longtemps négliger, tout naturellement il félicita Olivier sur sa nouvelle fortune et l’avenir brillant qui s’ouvrait devant lui ; mais à tous ces compliments l’ancien marin hocha la tête avec découragement et répondit :

— Mon cher Jose, vous l’avez voulu. Vous croyiez travailler à mon bonheur : je vous ai obéi, je n’ai donc aucun reproche à vous adresser ; mais souvenez-vous de ce que je vous ai dit le premier jour : mes appréhensions sont toujours les mêmes ; le fardeau que je porte est trop lourd pour mes épaules. Croyez-moi, vous et mon père, vous vous êtes trompés : aucunes de vos prévisions ne se réaliseront ; je ne suis pas fait pour cette existence que l’on prétend m’imposer ; elle froisse à chaque pas, à chaque seconde, mes goûts et mes habitudes. Je suis accoutumé de longue date, vous le savez, aux caprices les plus bizarres de la fortune ; il en sera pour moi de cette aventure comme de toutes les autres auxquelles j’ai été mêlé : un beau jour, et Dieu veuille que ce soit bientôt, le château de cartes s’écroulera, la bulle de savon crèvera, et je redeviendrai gros Jean comme devant ; c’est du reste ce qui peut m’arriver de plus heureux. Aussi, je ne vous dis pas adieu, cher et vieil ami, mais au revoir ; j’en ai la conviction intime, nous nous reverrons avant qu’il soit longtemps.