Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/140

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Les baleinières du brick-goëlette transportaient les prisonniers espagnols à bord du chasse-marée en panne à deux portées de pistolet, sous le vent du Hasard.

Le patron de ce chasse-marée avait grand’peur les corsaires jouissent généralement d’une assez mauvaise réputation ; cependant, depuis qu’il avait été amariné, il ne lui était encore arrivé rien de fâcheux, sauf la perte de sa liberté. Le transbordement des prisonniers lui donnait fort à songer ; il redoutait quelque effroyable diablerie.

Les pêcheurs ne font pas de différence entre les corsaires et les pirates, ils ont une frayeur égale des uns et des autres.

Les transes du patron se prolongèrent près de deux heures, c’est-à-dire pendant tout le temps que dura le transbordement des prisonniers ; enfin le dernier convoi arriva ; maître Lebègue fit embarquer sur les baleinières les quelques matelots qui avaient été placés sur le chasse-marée comme équipage de prise.

Cela fait, il se tourna vers le patron.

— Écoute-moi, lui dit-il en excellent espagnol.

— Je suis à vos ordres, seigneurie, répondit le pauvre diable en tremblant de tous ses membres.

— Tu vas débarquer là, à Faro, tout le bétail humain que nous avons transporté à ton bord.

– Oui, seigneurie.

– Dès que je t’aurai quitté, tu orienteras tes voiles, et tu mettras le cap sur le port.

— Tout de suite, seigneurie.