Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/175

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de belle apparence, situé sur le port même, et dans lequel il me fit entrer avec lui ; puis, après m’avoir recommandé à l’hôtelier, qui s’empressait auprès de lui, il pénétra avec ses deux compagnons dans un salon richement meublé, où le couvert était mis pour trois personnes ; moi, je suivis tout simplement l’hôtelier à la cuisine.

Après m’avoir adressé nombre de questions que je ne compris pas, et auxquelles, par conséquent, il me fut impossible de répondre, le brave aubergiste, qui sans doute avait à cœur de s’acquitter honnêtement du mandat que le capitaine lui avait confié à mon sujet, me fit asseoir devant une table et me servit, pour moi tout seul, un dîner plus que suffisant pour quatre personnes douées d’un appétit raisonnable.

Je m’en donnai à cœur joie, mon chagrin était oublié. Les impressions chez les enfants sont peut-être beaucoup plus vives que chez les hommes faits, mais heureusement elles s’effacent très-vite ; l’insouciance est l’essence de l’enfance ou de la jeunesse ; un rien la distrait et lui fait tout oublier. Ce n’est que lorsque l’on a terminé le rude apprentissage de la bataille de la vie, que la douleur creuse de profonds et ineffaçables sillons dans le cœur blessé et meurtri de l’homme ; mais à dix ans il ne saurait en être ainsi, on a pour soi l’avenir ; aussi la perspective d’un bon embarquement m’avait-elle rendu tout mon appétit.

Cependant j’eus beau manger lentement et prolonger mon repas le plus possible, j’avais terminé depuis longtemps déjà, que le capitaine mangeait encore vigoureusement.

Mais comme tout a une fin en ce monde, même