Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/214

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voiles et à ne plus reparaître sur la côte, s’il ne voulait pas qu’il lui arrivât malheur. L’Allemand n’était pas le plus fort, il baissa la tête et obéit en grognant ; de cette façon je complétai, sans bourse délier, le chargement de la Fortune.

Je rendis compte de cette singulière aventure au capitaine. Il m’approuva fort, et en rit beaucoup ; lui-même, dans une circonstance à peu près semblable, avait, quelque temps auparavant, agi de même avec un capitaine danois.

Ce dernier événement acheva de me dégoûter du métier de négrier, et, malgré la vive amitié que je professais pour le capitaine Galbaubans, je lui fis part de mes scrupules et de mon intention bien arrêtée de renoncer pour toujours à la traite.

Le capitaine fut très-chagriné de ma détermination ; mais il me connaissait, il n’essaya pas de la changer ; il me pria seulement de conduire la goëlette à Cuba, ce à quoi je consentis ; puis il régla mes comptes très-largement, me souhaita un bon voyage, m’embrassa, et je le quittai pour ne plus le revoir.

Le surlendemain de mon retour à Gallinas, au lever du soleil, je levai l’ancre et, disant adieu à la côte d’Afrique, je mis le cap sur l’île de Cuba.

J’étais resté deux ans et quatre mois avec le capitaine Galhaubans. Pendant ces deux ans, il m’était arrivé les aventures les plus extravagantes et les plus extraordinaires ; mais je me bornerai à ce que je vous en ai dit, pour ne pas allonger un récit déjà trop long ; je me bornerai à constater que ce fut à bord de la Fortune que je connus Ivon Lebris, mon matelot et mon second aujourd’hui ; je contractai avec lui une de ces franches et sincères