Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/28

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Derrière eux la porte se referma.

La scène jouée pendant deux heures dans cette maison avait été effrayante de perfection.

Ni la femme, pendant les douleurs atroces de l’enfantement ; ni le père, dans le paroxysme du désespoir, n’avaient laissé échapper une fausse note.

Toujours ils avaient été maîtres d’eux-mêmes.

Ils n’avaient pas eu un cri du cœur, un élan de l’âme ! Cet homme et cette femme s’aimaient à la façon des tigres ; ils ne songeaient qu’à une chose : faire disparaître au plus vite, et par tous les moyens, les traces de leur féroce amour ; ils ne s’étaient préoccupés de l’enfant qui allait naître que pour le condamner sans retour, et combiner froidement son abandon, résolus à ne pas reculer même devant un crime, pour assurer le secret de leur double adultère.

Maintenant tout était bien convenu et arrêté entre eux ; le père se retirait calme et souriant : le succès de ses lâches machinations était certain ; la mère consentait à jouer pendant quelques heures la comédie de l’amour maternel : elle riait et embrassait son enfant, en attendant qu’on la débarrassât peur toujours de cette preuve odieuse de sa honte.

Tout cela n’était-il pas horrible ?

La nuit était noire, mais depuis quelques instants la pluie avait cessé de tomber ; les deux hommes marchaient côte à côte, sans parler ; chacun d’eux réfléchissait sans doute à ce qui s’était passé dans la maison du docteur. Ils allaient bon pas, regardant avec soin autour d’eux et sondant les ténèbres ; ils remontaient la calle