Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/297

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pour se tirer d’affaire, ce qui est excessivement précieux dans la vie d’aventure.

Le déjeuner qu’il servit, par l’étrangeté des mets, aurait fait le bonheur d’un gourmet excentrique du Café Anglais, et transporté Brébant d’admiration.

Il y avait d’abord un quartier de guanaco grillé chasseur, fortement épicé, à la sauce boucanière ; deux perroquets au currey, un écureuil gris aux olives, un cygne noir rôti, des yucas sautés maître d’hôtel ; le tout couronné par un riz picante con aji ; pour boisson, de la chicha très-forte et très-mousseuse ; deux bouteilles de vin de Bordeaux retour de l’Inde, de la cave du Hasard ; puis venait le café du Rio-Nuñez, café africain vert et excellent, arrosé d’aguardiente de Pisco, clair comme de l’eau de roche ; enfin, pour aider la digestion, en fumant la cigarette ou le puro havanais, un mate paraguayen brûlant.

Le maté est enfermé dans un gobelet d’argent hermétiquement fermé ; on ne le boit pas, on l’aspire au moyen d’un conduit très-étroit, fait exprès. Quand on n’y est pas habitué, on s’échaude épouvantablement la bouche. Le maté est le thé des Hispano-Américains.

Toutes ces bonnes choses furent dégustées avec les égards qu’elles méritaient et un véritable appétit de voyageur ; puis, quand le maté fut servi, cigares et cigarettes furent allumés, et chacun se mit à fumer avec tout le recueillement que réclame cette importante occupation, destinée à aider et faciliter la digestion.

Les commencements du déjeuner avaient été silencieux ; les convives étaient préoccupés, ils songeaient tout en mangeant ; mais peu à peu, au