Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/70

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— Est accompli, dit en souriant don Carlos ; il y a une heure, la señora Linda, mon épouse, est heureusement accouchée d’un gros garçon : alabado sea Dios ! Je vais donc enfin être délivré de cette barbe qui me défigure et me gêne tant !

— Mettez-vous là, dit le patron Galeano en le faisant asseoir sur le fauteuil encore chaud de la précédente pratique ; et vous, compadre, faites tomber cette barbe de moine franciscain, qui, depuis trop longtemps, assombrit un beau visage.

— Oui, oui, à l’œuvre ! s’écria le barbier en repassant avec fureur son rasoir sur un immense cuir pendu à la muraille.

Tous les assistants, et ils étaient nombreux, applaudirent et se pressèrent autour du patient pour ne rien perdre de la curieuse opération.

Le petit barbier, malgré ses gestes de mandrille et sa loquacité incurable, était habile et surtout expéditif.

En moins de dix minutes, il eut rasé la barbe, taillé les favoris, coupé, parfumé, frisé les cheveux et coiffé son client, de telle sorte que lorsque celui-ci se regarda dans le miroir, il ne se reconnut pas, succès imprévu qui compléta le triomphe du successeur de Figaro.

Don Carlos laissa tomber une piastre dans la main que lui tendait le barbier, et refusa d’en recevoir la monnaie, générosité qui fit découvrir tous les fronts et courba toutes les échines.

Don Carlos et le patron Galeano sortirent de la boutique, chargés des bénédictions du barbier et de ses amis.

Quelques minutes plus tard, les deux hommes arrivèrent devant la porte de la maison de don